Préfiguration des contrats de ville - Février 2014 SYNTHÈSE DES ENSEIGNEMENTS DE LA PRÉFIGURATION (CABINET ASDO) Evaluation de la préfiguration des contrats de ville – « Quartiers : engageons le changement » Synthèse des enseignements de la préfiguration Cette synthèse pointe les premiers enseignements de la préfiguration des contrats de ville. L’analyse est issue d’entretiens avec les acteurs clé des 12 sites expérimentaux : à la Préfecture, dans les services déconcentrés de l’Etat, à l’Agglomération, le cas échéant au Département, à la Région et dans des communes. A ces entretiens, s’est ajoutée l’analyse sur table des documents remontés par les sites entre fin janvier et début février (pré-projets de contrat, notes méthodologiques, …). Cette note met en avant les questions que se sont posées les sites, les différentes réponses qu’ils ont esquissées. Ces pistes d’analyse, encore exploratoires, ont vocation à alimenter les réflexions nationales et locales sur les futurs contrats de ville et leur mise en oeuvre, en complément des travaux des cellules de suivi national, des groupes de travail thématiques et de la recherche-action-formation. Précaution méthodologique : Ces enseignements reposent sur les témoignages et les perceptions des acteurs locaux sur les douze sites. Il ne s’agit en aucun cas d’un document normatif. L’analyse se situe du côté de la subjectivité des acteurs locaux de la préfiguration. 1. Un contexte qui a fortement marqué la préfiguration Ce contexte doit être rappelé car il a joué sur le déroulement de la préfiguration. Les élections municipales ont ralenti les processus de validation politique des grandes orientations des contrats. La réflexion et les actions sur la participation des habitants ont parfois été reportées. La proximité des élections municipales a retardé les prises de risque sur des chantiers sensibles politiquement comme l’articulation Agglomération-Villes dans le nouveau contrat de ville métropolitain. Cela n’a pas empêché sur certains sites une implication réelle du niveau politique (Président d’Agglomération, Président de Département, Président de Région). La préfiguration s’est déployée sur six mois (officiellement). Ce calendrier contraint, pour une refondation ambitieuse, explique les différents états d’avancement des sites aujourd’hui. Aucun des douze sites n’a le sentiment aujourd’hui d’être arrivé au terme de l’exercice de préfiguration. Les douze sites préfigurateurs ne disposaient pas encore des Contrats de Plan Etat-Région (en cours de négociation), des Programmes Opérationnels pour les fonds européens. La liste des sites en NPNRU n’était pas encore connue. Cette inversion du calendrier, qui ne sera pas vraie pour la phase de généralisation des contrats de ville, explique le peu d’éléments aujourd’hui sur certains thèmes, comme l’articulation du volet humain et urbain au sein d’un contrat unique. Enfin, la concomitance de l’élaboration du contrat de ville avec la réforme de la géographie prioritaire a entraîné des difficultés pour les sites préfigurateurs dont il faut prendre acte pour la généralisation. La réforme de la géographique prioritaire a monopolisé l’attention des élus des communes pour qui les enjeux financiers sont extrêmement lourds de leur point de vue. Dans ce contexte, l’élaboration du contrat de ville passe pour les élus au second plan. La méthode employée dans le cadre de la préfiguration a par ailleurs posé problème sur les sites, à la fois pour les élus, et pour l’Etat local. L’absence de transmission des données INSEE à l’origine du carroyage a été perçue par les élus comme un refus de concertation et un manque de confiance de la part de l’Etat. Les Préfets Délégués à l’Egalité des Chances ou les souspréfets Villes à la manoeuvre dans la négociation, ont peiné à éviter les crispations des élus autour de cette question. Les incertitudes enfin sur la notion de quartier vécu, de quartier de veille active, et sur les moyens qui leur seront attribués, ont été très souvent à l’origine de tensions fortes chez les élus. Malgré ces éléments de contexte, les sites préfigurateurs se sont attelés à la démarche rapidement, souvent au plus haut niveau, en prenant à coeur de mettre en oeuvre une refondation ambitieuse de la politique de la ville. Enseignements-clé La géographie prioritaire est à la base de la réflexion et de la mobilisation des acteurs sur le contrat de ville. Au-delà de la dimension technique, la communication par l’Etat des données de la géographie prioritaire revêt une dimension symbolique. Elle traduit ou non une relation de confiance et de coconstruction entre les collectivités et l’Etat. Les notions de quartiers vécus et de quartiers de veille active ont suscité de vraies interrogations sur les sites. Sur un plan technique il convient de préciser les définitions, les critères d’éligibilité, et les moyens dédiés à l’accompagnement de ces quartiers. Plus au fond, la question se pose de la place de la géographie prioritaire dans la philosophie du nouveau contrat de ville. Les collectivités considèrent pour certaines que quasiment l’ensemble de leur territoire peut être qualifié de « quartier vécu ». Jusqu’où cette notion de quartier vécu fait bouger les lignes de la politique de la ville territorialisée telle qu’on la connaît ? Il semble important de réaffirmer à ce propos des points de repère. Enfin, la question des moyens de l’Etat national est posée. Les ajustements locaux de la géographie prioritaire ont imposé pendant la préfiguration de nombreux allers et retours avec le niveau national. Ces échanges seront multipliés de manière exponentielle en phase de généralisation. Quels pouvoir et marge de manoeuvre seront donnés à l’Etat local en la matière ? 2. « L’ouvrage est encore sur le métier » a) Les 12 sites ont travaillé à des rythmes différents, mais surtout à partir de méthodes différentes. Les sites apparemment les plus avancés au regard de la finalisation de leur production sont souvent ceux qui avaient commencé leurs travaux bien avant juin 2013. C’est notamment le cas d’Amiens, mais aussi d’Evry par exemple. Les sites en sont à des degrés d’avancement de la démarche très variables. Au 31 janvier, les productions sont diverses comme l’illustre le schéma ci-dessous. Il est à noter que les étapes ci-dessous ne sont ni systématiques, ni linéaires (avec des ordres chronologiques différents d’un site à l’autre). La géographie prioritaire Définition de la méthode Elaboration d’un projet de territoire Réalisation d’un diagnostic Définition des enjeux et des axes stratégiques Rédaction d’un précontrat Définition d’un plan d’actions Site 1 Site 2 Site 3 Site 4 Site 5 Site 6 Site 7 Site 8 Site 9 Site 10 Site 11 Site 12 Ceux qui se sont fixé comme objectif de définir une méthode de travail. Cette manière de faire, plus ou moins volontaire, a principalement consisté à définir les différentes étapes de la démarche, les acteurs qui seront associés à chacune des étapes, les modalités de travail entre l’agglomération et les communes, entre l’agglomération et les services de l’Etat. Il s’agit également de définir les instances de travail et de gouvernance. Plusieurs sites sont dans cette configuration, notamment le Grand Dijon où la démarche de contrat de ville sera alimentée par l’élaboration de PSL. Pour les sites dans ce cas de figure, il n’y a pas encore de pré-projet de contrat de ville, voire pas encore de diagnostic partagé. Cela ne signifie pas pour autant que la démarche n’est pas mature. La méthode étant « calée », la réalisation du diagnostic et la production du contrat de ville pourront être relativement rapides (c’est par exemple le cas pour Rennes Métropole où la méthodologie a été travaillée que cela soit pour la phase de diagnostic ou d’orientation). Certains en sont au stade de l’élaboration/déclinaison d’un projet de territoire existant afin que le futur contrat de ville entre en cohérence avec une stratégie et des enjeux de territoire communautaires. D’autres sont concentrés sur la phase de diagnostic, celle-ci étant plus ou moins « lourde » et partagée entre l’ensemble des acteurs. Certains sont déjà dans une phase plus aval, où les axes stratégiques du futur contrat de ville sont quasi ou déjà définis et se traduisent par la rédaction d’un pré contrat. C’est le cas d’Amiens notamment. Il est essentiel de rappeler qu’à ce stade le degré formel d’avancement ne préjuge ni de la qualité de la démarche ni de son degré de maturation. Des sites où la formalisation n’est pas aboutie se situent dans une dynamique très positive. Ayant déterminé la méthode, ayant calé l’articulation entre les différents partenaires, disposant de nombreux éléments de diagnostic, il ne leur reste plus qu’à assembler le puzzle… b) La démarche d’élaboration du contrat de ville sur la totalité des sites a été consommatrice de moyens humains et de temps. Les moyens humains mobilisés sont particulièrement conséquents tant au niveau de l’ingénierie de projet, que cela soit du côté de l’Etat (services des préfectures, DDCS) que des agglomérations (cellules ingénierie de la politique de la Ville ad hoc ou créée pour l’occasion), que du côté des acteurs (services déconcentrés de l’Etat et directions thématiques des collectivités). Ces moyens humains ont été mobilisés lors de nombreuses réunions. Ces temps correspondent en fait à des temps différents et souvent nécessaires pour la bonne élaboration du contrat de ville : - Des temps politiques, pour expliquer, mobiliser les élus des différentes collectivités. - Des temps de mobilisation des acteurs pour faciliter l’appropriation de la nouvelle philosophie du contrat de ville, pour accrocher de nouveaux acteurs, pour convaincre des services qu’ils sont concernés par la politique de la ville et qu’ils peuvent y apporter leur pierre. - Des temps techniques, parfois très longs (qu’il conviendrait peut être de réduire), notamment sur la géographie prioritaire et la définition des différents types de territoires, mais aussi sur l’élaboration du diagnostic partagé. Ces différents temps peuvent, au regard de l’état d’avancement de la démarche, voire de la production réalisée, paraitre disproportionnés notamment si on se projette dans la future généralisation des contrats de ville. Aujourd’hui, même si le chemin peut être long et peu lisible, la plupart des acteurs ont tendance à penser que dans cette phase de préfiguration il s’agit d’un temps d’investissement. c) Dans la plupart des cas les sujets les plus compliqués n’ont pas encore été abordés. Ils ont été repoussés à l’après-élection et/ou à l’arrivée de nouvelles consignes nationales. C’est le cas notamment de : L’articulation EPCI-communes. Comment se répartissent les rôles ? Qu’est-ce que cela signifie en termes d’ingénierie ? En termes de gestion des enveloppes financières ? … Il s’agit de sujets très sensibles sur les sites où l’agglomération n’avait pas la compétence politique de la ville, où l’agglomération compte des grandes villes/villes intermédiaires très marquées et investies sur la politique de la ville (par exemple le territoire de Lille Métropole). L’articulation Etat-collectivités. Sur de nombreux sites, au vu du déroulement de la préfiguration et de la logique que l’on croit déceler dans la philosophie, des interrogations émergent sur le processus de mise en oeuvre du futur contrat de ville. Y aura-t-il un appel à projet commun entre les collectivités et l’Etat ? La notion d’appel à projets annuel a-t-elle un sens ? Ne faut –il pas privilégier des conventions pluriannuelles sur la base d’un projet triennal par exemple ? Certains, notamment au niveau des agglomérations (mais aussi, même si c’est plus rare, au niveau de l’Etat), souhaiteraient « aller au bout du processus » en confiant la totalité de l’enveloppe financière au pilote du contrat de ville qu’est l’agglomération. d) Sur d’autres sujets, les questions ont commencé à émerger, sans qu’une doctrine ait encore été clairement établie. Quid des quartiers « vécus » ? Ne faudrait-il pas des critères pour définir le périmètre de ces quartiers au risque si ce n’est pas le cas de voir se multiplier le nombre d’équipements rattachés aux quartiers vécus ? Quelles sont les incidences concrètes et comment peut-on les simuler, du périmètre du quartier vécu ? Les quartiers de veille active. Quel accompagnement de ces quartiers ? Par qui ? Quels vont être les moyens financiers consacrés à ces quartiers ? Quel impact sur la prime NBI pour les agents de l’Etat et des Collectivités travaillant sur ces quartiers ? Les dispositifs politique de la ville (DRE, ASV, CLSPD, GUP …). Vont-ils être mutualisés, revisités ? Quelle est leur place dans les nouveaux contrats de ville ? Ici encore les réflexions et les négociations sont rarement avancées. Plusieurs acteurs mentionnent cependant la nécessité de mutualiser ces dispositifs au niveau de l’agglomération. Certains proposent même de les redéfinir sur le fond, tout en mentionnant que les enjeux financiers et humains sont tels que la réflexion sur ces thèmes est prématurée, voire inopportune sur le fond (elle risquerait de bloquer la démarche d’élaboration du contrat de ville en pointant les « pertes potentielles » pour les communes). Enseignements-clé La démarche est plus ou moins chronophage selon les sites, en fonction notamment de la méthode retenue. Ceci dit, l’expérience montre que plusieurs « temps » sont importants (temps politique, temps de mobilisation des acteurs et temps technique) et qu’un minimum d’un semestre est nécessaire pour aboutir au contrat de ville. Le temps consacré à la réflexion sur la méthode est déterminant. Des sites partis très vite en faisant fi des données politiques (sur la question du rapport entre communes et agglomérations par exemple,